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Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/139

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LA MIRLITANTOUILLE

passionnée, courageuse, l’avait, dès la chute de la royauté, entraîné à se jeter dans la lutte ; il s’y révéla aussi adroit que résolu. Un exemple de sa manière : au plus fort de la Terreur, M. Sevoy, oncle de madame Le Gris-Duval, est arrêté, emprisonné et menacé de l’échafaud. Le Gris court à Lamballe, force en pleine nuit la porte de l’agent national qui a ordonné l’arrestation, pousse jusqu’à la chambre où dort ce personnage, le réveille, s’approche du lit, écarte son manteau pour laisser voir deux pistolets passés à sa ceinture. Comme l’autre, très ému, à la vue du Chouan, s’agite : — « Ne craignez rien, fait Le Gris-Duval, je n’assassine pas… Mais écoutez : vous avez fait arrêter M. Sevoy ; la procédure n’est pas commencée ; vous pouvez donc le remettre en liberté sans vous compromettre. Si la tête de ce prévenu tombe, la vôtre ne restera pas vingt-quatre heures sur vos épaules. Vous savez qu’on donnerait beaucoup pour me prendre ; et cependant je suis venu chez vous, seul : jugez par ce que je fais de ce dont je suis capable. » Le lendemain, M. Sevoy était libre[1].

Ami et lieutenant de Boishardy, Le Gris-Duval était allé à La Prévalaye, sans consentir à signer le traité. La rupture de la débile pacification le rangeait au nombre des proscrits ; mais il ne prenait point cette situation au tragique et ne se cachait même pas, continuant à recruter pour la Chouannerie, à favoriser la désertion des soldats de la République, acceptant tous ceux qui se présentaient, les hébergeant, les nourrissant, les trai-

  1. Levot, Biographie bretonne.