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Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/225

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LA MIRLITANTOUILLE

ces quiproquos de la guerre perfide, — le spectacle eut paru extraordinaire d’une troupe triomphante de Chouans, — qui étaient des bleus, — conduisant à la prison un bleu, — qui était un Chouan… Le malheureux, rompu de fatigue, se soutenant à peine, dut rassembler toute son énergie pour affronter les rudes heures qui lui restaient à vivre. Les autorités militaires et civiles de Saint-Brieuc, afin de gonfler ce succès inespéré, décidaient de frapper les esprits par l’imposante rapidité du châtiment. L’accusateur public Besné trépignait d’aise, encore que l’affaire, justiciable du Conseil de guerre, ne le concernât point. Mais il craignait que la concurrence de l’expéditive justice militaire ne nuisît à la réputation, pourtant bien établie, de son tribunal, à lui. Aussi écrivait-il au ministre : — « il y a, dans la prison, neuf condamnés à mort qui, pour prolonger leur trop funeste existence, se sont pourvus en cassation sans motif valable ». Sur ceux-là, il est tranquille, il aura leurs têtes. Et il en prépare d’autres : — « Je vais faire mettre en jugement vingt-quatre scélérats, parmi lesquels je distinguerai cinq forcenés qui doivent monter à l’échafaud… Je puis affirmer que le tribunal criminel n’est pas en arrière ; j’y ai tenu la justice à l’ordre du jour, imperturbablement, et j’ai le courage nécessaire pour l’y maintenir. » Il annonçait, en terminant : — « Duviquet est pris ! Il sera ici à midi. » Et, pour témoigner son regret que ce client de marque échappe à son réquisitoire, il ajoute : — « C’est un reste de la bande exécrable de Boishardy que j’avais fait condamner à mort en 1793 et qui fut fusillé dans son repaire sur les renseignements que j’avais