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LA MIRLITANTOUILLE

ardente royaliste, dont on a déjà cité le nom. Alors âgée de quarante ans, femme d’un gentilhomme pauvre qui, avant d’émigrer, exerçait à Pontivy l’emploi d’expert-priseur, madame Le Frotter, restée seule avec ses trois fils, consacra sa vie à la défense de la cause royale ; sa maison était un asile toujours ouvert aux Chouans et à leurs courriers ; son fils aîné, Étienne, combattait parmi les rebelles ; elle-même avait été dénoncée plusieurs fois et arrêtée pour embauchage. C’est autour de cette femme énergique et malheureuse que vont se grouper, pour un dernier épisode, plusieurs des personnages qui ont figuré dans ce récit.

Surprise, par un détachement de grenadiers de la 58e demi-brigade, en flagrant délit de recrutement pour les bandes de Mercier et de Georges, madame Le Frotter, incarcérée à Saint-Brieuc avec son fils cadet, Honorat, comparut, le 27 juillet, devant le Conseil de Guerre qui prononça l’acquittement du jeune homme et la condamnation à mort de la mère. Ce verdict émut toute la Bretagne : les Le Frotter étaient unanimement estimés et tenaient à nombre de familles marquantes dans les fastes de la Chouannerie. Sauf quelques fanatiques satisfaits de voir enfin, à défaut de Le Gris-Duval en personne, une de ses complices atteinte par ce qu’ils appelaient encore « la vengeance nationale », on déplorait le sort de cette mère de famille qui, privée de son mari par l’émigration, avait courageusement élevé ses trois fils dont l’un était encore un enfant ; le jugement ordonnait la confiscation de ses maigres biens et déjà les administrateurs du Morbihan prescrivaient qu’il fût procédé à la vente de ses meubles au profit