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LA MIRLITANTOUILLE

donnée, dans l’autre la fille Plé et son père tiennent cabaret. La Mirlitantouille est au carrefour de quatre chemins : celui de Moncontour, celui de Plœuc par Plémy, conduisant à la forêt de Lorges ; celui de Collinée et celui de Loudéac. De la lande immense qui commence à cet endroit et qui monte aux crêtes du Mené, la vue s’étend au loin sur les deux versants de la montagne : au nord, vers Saint-Brieuc, c’est la région de Moncontour, bien cultivée, couverte de vergers et de prairies ; au sud, vers le Morbihan, pas un hameau, pas une maison n’apparaissent, rien que des bois et des landes ; à l’horizon, une longue ligne sombre d’épaisses forêts. Tracé parmi les ajoncs et les genêts d’or, les bruyères rousses et les robustes blocs de granit qui, çà et là, percent le sol, le chemin des chouans gagne les sommets du Mené, le Bel Air, puis la Butte à l’Anguille où se trouve une maison de correspondance : l’endroit est redouté ; Jean Villeneuve, — surnommé Jean de la Butte, — le seul habitant de ce désert, égorge, dit-on, les voyageurs qu’il soupçonne bien munis d’argent et enfouit leurs corps dans la lande[1]. De cette hauteur la piste descend sur Saint-Gilles-du-Mené, et à travers un pays âpre, couvert de bois, coupé de ravins profonds, elle passe au manoir de Bosseny où les émissaires royalistes sont assurés d’un bon accueil ; elle se dirige ensuite vers la hutte d’un sabotier de Saint-Vran, du nom de Jacques Lacroix, pour gagner Ménéac

  1. « La justice entreprit à ce sujet des recherches restées sans résultat : deux des frères de Jean de la Butte furent cependant poursuivis ; lui-même échappa. Il vécut dans le pays jusqu’à l’âge de 88 ans. » B. Jollivet, Les Côtes-du-Nord, IV, 324.