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Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/46

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LA MIRLITANTOUILLE

n’était pas « à prix d’or » qu’il achetait le dévouement de ses paysans : il était presque pauvre : tous ses biens, y compris une maison sise à Lamballe, ne lui avaient jamais fourni plus de 1.600 livres de revenu[1].

Quoique insaisissable, il n’a pas quitté la région de Moncontour, propice aux refuites et aux échappées : prés enclos de hauts talus plantés de chênes étêtés, de haies épaisses ; fourrés inextricables, labyrinthe de chemins creux qui, au fond de cette mer d’arbres, serpentent, se croisent, s’écartent, se nouent, se détournent… Boishardy circule en plus complète sécurité que les détachements lancés à sa poursuite ; pour ceux-ci « chaque champ est une forteresse, chaque arbre masque un piège » ; lui, pas un jour il n’arrête de renforcer sa troupe et de l’exercer : les Bleus l’ont surnommé le sorcier. Quelqu’un l’a vu, dans les bois de Caurel, à une demi-lieue de Mur-de-Bretagne : au cœur de la forêt, est un placis d’environ quatre journaux[2] qui lui sert de terrain de manœuvre. On a laissé, au centre de cette esplanade un grand hêtre à la cime duquel est fixé un crucifix d’étain. Parfois se réunissent là 3 à 4.000 chouans ; on y procède à l’élection des sergents et des caporaux. Boishardy préside, vêtu d’une carmagnole bleue, coiffé d’un chapeau à grande cuve ; il est armé d’un sabre et d’un fusil à deux coups[3]. On croirait que les Bleus, égarés sur de fausses pistes le cherchent partout où

  1. La métairie du chêne jaune, le moulin Herry, le château et la ferme de Boishardy se voient encore aux environs de Bréhand. La maison de Lamballe était située rue de la Pique.
  2. Deux hectares à peu près.
  3. Geslin de Bourgogne, Études, p. 136 n.