Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/128

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Si rapide et furtive qu’ait été sa vision de Rousseau, Robespierre se réclame de lui ; il s’inspire de ses écrits, le cite souvent et affecte même de conformer sa vie à celle du morose philosophe. Modèle néfaste pour un présomptueux souffrant d’être inapprécié : – « Quand on a lu Rousseau, disait Joubert, on se croit vertueux : on apprend avec lui à être mécontent de tout, sauf de soi-même. » C’est à l’irréligieuse piété de l’auteur d’Émile que Robespierre emprunte l’idée de sa religion nouvelle ; mais s’il suit, en la décrétant, un principe posé par Jean-Jacques[1], il obéit aussi, inconsciemment peut-être, à un besoin de son âme, profondément marquée de l’empreinte catholique. En pouvait-il être autrement ? Tout enfant, il a vécu au contact des prêtres ; son instruction religieuse a été assidûment surveillée par deux tantes très croyantes et très pieuses ; des prêtres encore, et des prêtres éminents, ont formé son esprit lors de ses années de collège ; il vivait ses rares jours de sortie chez les chanoines de Notre-Dame et un chanoine d’Arras le recevait durant les vacances. On a noté que l’enfant, au cours des deux mois passés chaque année dans sa ville natale, s’en allait, à la chute du jour, jusqu’à une petite chapelle située dans la campagne, aux abords du village de Blairville, et demeurait là longtemps, recueilli dans la solitude et la méditation[2]. Plus tard, avocat au Conseil d’Artois, juge au tribunal épiscopal, il est bien certain qu’il se montrait fidèle observateur des pratiques d’obligation ; toute autre conduite eût fait scandale dans

  1. Le Contrat social. De la religion civile.
  2. Lodieu, Maximilien Robespierre. Arras, 1850, p. 8.