Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/66

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des modérés livra le pouvoir aux démagogues. Le 17 juillet 1791, les factieux groupés sur l’autel de la Patrie, au Champ de Mars, criaient : « Plus de Louis XVI ; notre Roi est Robespierre[1] ! » En ruminant ces choses, quarante ans plus tard, un vieux démocrate désabusé notait : « Lorsqu’il faut compter sur les hommes de bien dans les révolutions, il ne reste plus qu’à s’envelopper dans son manteau[2]… »

On vit ceci qui fut extraordinaire : le 30 septembre 1791, l’Assemblée nationale, usée, se sépara : la foule se groupa autour du Manège pour assister au départ des députés que naguère elle avait tant acclamés ; elle accueillit par un froid silence tous ces hommes démonétisés par deux ans et demi de vie politique et que, déçue, elle traitait de renégats, de vendus et de faux frères. Mais quand parut Robespierre au bras de son compère Pétion, ce fut une ruée, une acclamation, un triomphe ; des bras lui tendaient des couronnes de chêne ; une femme lui présenta son enfant pour qu’il le bénît ; des cris se confondaient de Vive la liberté ! Vive Robespierre ! Vive l’Incorruptible ! C’était le mot inscrit au cadre de son portrait, exposé au salon de cette année-là ; c’était celui sous lequel il s’était offert, en avril 1789, aux électeurs de l’Artois. Et quand, pour échapper à l’ovation, les deux députés populaires se jetèrent dans un fiacre, la populace délirante détela les chevaux et traîna la voiture[3].

  1. Lettres de François-Joseph Bouchette, député à la Constituante, p. 617.
  2. Baudot, Notes historiques.
  3. Révolutions de Paris, n° 116.