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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/105

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— Eh bien, soit, s’il le faut, puisque cet orgueil est un devoir vis-à-vis de moi-même, et que d’ailleurs je ne saurais être heureuse en le sacrifiant. J’ai beaucoup réfléchi, père, depuis quelque temps, et la liberté n’est devenue chère, comme le plus précieux et surtout comme le plus noble des biens. Eh quoi ! le monde entier adore ce nom de liberté ; les enfants le balbutient dès les premières pages de l’histoire ; qui ne la poursuit pas en nos temps l’admire au moins dans les temps antiques. Ses ennemis eux-mêmes, en la trahissant, invoquent hypocritement son nom. Celui qui dirait : « Je me fais esclave par amour du joug, » succomberait sous sa honte, ou plutôt serait pris pour un insensé. Partout, servitude est synonyme d’avilissement. — Et c’est aux femmes seulement que, par je ne sais quelle aberration étrange, on demande l’alliance de la noblesse et de l’esclavage, du mépris d’elles-mêmes et de la vertu !

— Tu as raison, » dit le père en l’admirant Avec un soupir il ajouta : « Mais c’est là précisément ce qu’on ne te pardonnera pas. »

Elle haussa doucement les épaules, et reprit, heureuse de le convaincre :

« De tous côtés j’entends parler de décadence. À quelque opinion qu’on appartienne, on déplore l’abaissement des esprits, des caractères, des mœurs ; moi-même je l’ai compris : nous vivons dans un temps hypocrite et misérable, où le fait contredit l’idée, où des reculs incessants balancent le progrès, où la conscience humaine, fatiguée de vaines luttes, s’endort. Comment n’en serait-il pas ainsi, quand une moitié de l’humanité a pour mot d’ordre l’obéis-