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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/121

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fatigué ; je me fais un plaisir de cette excursion, et à moins que vos souvenirs ne réclament la solitude…

— Oh ! ce n’est pas cela. Venez alors. Vous devez être poëte et votre présence ne peut gâter aucune impression. »

Clairières et fouillis, creux et collines, rochers, prairies, précipices, troncs de cent pieds, sous lesquels croissent en abondance les mousses, les fleurettes, la fraise, le myrtile, toutes les majestés et toutes les grâces de la nature sauvage, tels sont ces bois de montagnes, mal exploités, peu exploitables, et d’autant plus beaux. Celui-ci, proche du village et très-fréquenté, offre une promenade facile sur un sol couvert d’un fin gazon, et irrégulièrement planté de gigantesques mélèzes éclaircis par la hache ou par le temps. Du côté où pénétraient Ali de Maurion et Paul Villano, le bois s’ouvre sur un versant de prairies et sur la perspective de la vallée voisine et des sommets qui l’entourent. À mesure qu’il marchait sous ces ombrages, Paul semblait absorbé dans une rêverie plus profonde. Depuis près d’un quart d’heure, il n’avait pas échangé un mot avec son jeune compagnon, quand tout à coup il s’arrêta, et prenant la main d’Ali :

« Quel taciturne je fais ! dit-il ; vous vous êtes associé à ma promenade, je dois vous associer à mes pensées. Et pourquoi d’ailleurs ne vous raconterais-je pas l’idylle que je revois ici en ce moment ?

« Un jour de l’année dernière, j’étais là — couché sur l’herbe, la tête dans l’ombre mouvante d’un hêtre, les pieds au soleil, l’œil ébloui du miroitement de la lumière, de la vapeur dorée qui em-