Page:Leo - Aline-Ali.djvu/205

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vent l’impulsion du cœur ; je ne saurais vivre de subterfuges et de fausses réserves. Depuis quelque temps, des songes pénibles m’assiégent à cause de vous ; je ne vis plus. La nuit dernière a été plus cruelle encore… ; aussi te voulais-je voir à tout prix, et je me suis dit : — Eh bien ! pourquoi n’irais-je pas ? Ce n’est pas de lui que je puis avoir à craindre une impertinence ou une dureté, — car vous ne ressemblez en rien aux autres hommes, vous, Ali, si jeune, si beau, si pur ! »

Elle attachait sur lui des regards où se lisait une admiration passionnée.

« Vous n’avez jamais, Rosina, ménagé ma modestie, dit le jeune homme en souriant. C’est notre querelle, vous le savez.

— Ne me querelle pas, lui dit-elle avec une tendresse langoureuse ; laisse-moi céder au besoin que j’éprouve de t’exprimer tous mes sentiments. Si je t’avais rencontré plus tôt, Ali, je serais une autre femme. Je serais restée pure et digne de toi. Mais les hommes nous perdent dès l’enfance. Ils ne recherchent l’innocence et la pureté que pour les flétrir en les respirant. Athées immondes ! pour qui le beau et le bien se réduisent à un raffinement de plaisir. C’est au nom de l’amour qu’ils m’ont trompée. Tu sais ? Je croyais. La confiance est-elle une faute ?… Puis, cette infamie me mit au cœur la colère. Je voulus me venger, les écraser à mon tour… Et cependant, je te le dis, moi aussi, j’avais été chastement élevée ; j’étais pure ; j’avais au cœur la religion de l’amour… Je rêvais un amant tel que toi pour passer avec lui ma vie…

« Tout cela fut gâté, arraché, souillé, sous une