Page:Leo - Aline-Ali.djvu/206

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main brutale. Ah ! si tu savais ! Il y a des moments où je hais les hommes d’une haine immense ! Vils et méprisants ! Odieux et fous ! Ce monde, vois-tu, n’a pas de logique plus qu’un rêve. Le blanc et le noir, le oui et le non s’y choquent avec des éclats de rire… et des larmes. Les hommes ne croient à rien ; ils affirment, voilà tout ; d’un grand air sérieux, et sans savoir ce qu’ils disent, ils se répètent à l’envi. Toi seul es vrai ! toi seul es sincère ! toi seul aurais le droit de me mépriser !

— Je vous en prie, Rosina, ne parlez pas ainsi. Je ne puis mépriser ceux que j’affectionne ; je ne puis qu’honorer l’amante de Paolo.

— Ali, ne suis-je donc pour toi que sa maîtresse ? Tu m’aimes et m’honores à cause de lui… je le sais. Mais je voudrais plus encore : il me faudrait aussi pour moi-même un peu d’estime et… d’affection. Oui, tu ne vois en moi que l’artiste, que l’amante de ton ami… je reste étrangère à tes sentiments intimes…

« Ah ! tu es ingrat ! Moi je t’aime pour ce que tu es, Ali, pour toi-même ! Écoute-moi : la jeune fille qui sans doute est la sœur de tes rêves… Ali… elle existe encore en moi, à des profondeurs que nul n’a touchées ; tu verras. Daigne seulement l’appeler à toi ; elle viendra, heureuse, réveillée d’un trop long sommeil, l’apporter des pressentiments semblables aux tiens, se prosterner devant toi, t’écouter et te comprendre. — Non, je ne suis pas celle que tu crois ; la vie m’a posé sur les traits le masque du rire et de la joie, mais j’ai soif de pleurer et de rêver avec toi…

« Oui ! oui, je m’en doutais, tu gardes contre moi