Aller au contenu

Page:Leo - Aline-Ali.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

au fond un préjugé ta justice va jusqu’à l’indulgence, mais non jusqu’à la tendresse. Tu as été élevé par des femmes, cela se voit, par des femmes honnêtes, et celles-là sont implacables pour nous. Et pourtant, réfléchis, sont-elles bien différentes ? Va, nos amants sont les mêmes. La plupart sont adultères au lieu d’être courtisanes ; d’autres sont plus souillées par le mariage que ne l’est une femme libre par ses amours. Est-ce que la pureté existe en ce monde ? Non ; je n’y vois de pur que ta chasteté d’ange ; et pour moi, je n’y vois désormais de satisfaction que dans l’abjuration de mon passé, de bonheur que dans… ton pardon !… »

Elle parlait ainsi, penchée vers lui, les mains d’Ali dans les siennes, et, se courbant de plus en plus, elle avait glissé presque à ses genoux. La mantille qu’elle avait en entrant sur les épaules avait aussi glissé jusqu’au bas de sa taille, laissant voir un buste admirable, mal couvert par un peignoir de dentelle et de mousseline, sous lequel éclataient, par des jours nombreux, les rondeurs du sein et le satin de la peau. Ses beaux bras nus sortaient des manches flottantes, et, beautés plus puissantes encore, l’agitation du sein, la passion des lèvres tremblantes, l’éloquence du regard.

Ali eut un froid sourire.

« À quoi bon ce plaidoyer, Rosina, vis-à-vis de celui qui vous aime et vous respecte comme une sœur ? Et que vous importe l’injustice des autres hommes, quand Paolo vous honore et vous chérit ?

— Paolo ! toujours Paolo ! » dit-elle avec un accent douloureux où grondait comme le murmure d’un orage.