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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/234

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de fendeur de bois et de cuisinier, retenaient au chalet, et qui redoutait pour ces montagnards novices quelque accident. Munis de longs bâtons pour sonder la solidité de la neige, nos deux amis étaient prudents l’un pour l’autre. Mais, au milieu de ces hauteurs, l’ambition de monter de plus en plus haut devient une passion. C’est l’excelsior du poëte. En face de ces sommités, qui, dans leur implacable sérénité, l’enserrent et lui dérobent l’horizon, l’homme ne sent d’abord que sa petitesse : point microscopique à leurs pieds, sa vue même ne les peut atteindre ; sa défectueuse perspective les raccourcit, les déforme, les ignore ; où il voit des surfaces unies, la montagne creuse des abîmes, et, dans son tranquille orgueil, dresse aux yeux de ce pygmée la formule de l’inaccessible et de l’inconnu. Bientôt ce double défi l’irrite ; cette grandeur provoque son audace, cette immensité l’enivre, et il applique à cette superbe conquête toute son ambition, toute son ardeur.

Le grand, le seul remède à la douleur, c’est l’activité, c’est la vie. En proie à ces souffrances, les plus âpres de toutes, que cause la trahison d’un être aimé, Paolo pouvait difficilement dans sa lecture suivre une pensée étrangère à sa constante pensée. La voix chère d’Ali, seule, avait le pouvoir, comme un interprète, de le mettre en rapport avec le monde si vaste d’idées et de sentiments qui existe en dehors de l’amour trahi. Mais quelquefois cette voix même peu à peu devenait une simple musique à son oreille ; il se retrouvait à Florence, l’affreux souvenir lui plongeait au cœur une lame aiguë. Il se levait, et sortait, suivi d’Ali. Alors la