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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/235

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montagne n’avait plus de pente escarpée, plus d’immensité. Le pas de Paul dévorait l’espace ; il ne s’arrêtait enfin qu’en entendant derrière lui le souffle haletant de son compagnon, moins robuste. Il prenait alors le bras d’Ali, s’excusait, voulait sourire, et quelquefois pleurait sur le sein de son ami.

« Pourtant, lui dit-il un jour qu’ils causaient ensemble près du foyer, ce n’est pas en pleine illusion que la déception m’a saisi. Non ; je me débattais depuis longtemps déjà contre l’abaissement évident de mon idole. Toutes ces chastes grâces déployées, ce rôle savant, composé pour m’éblouir et me faire croire à l’ange à peine déchu, tout cela tombait peu à peu de lassitude ; le voile s’écartait, et j’apercevais des rudesses d’instinct, de monstrueux égoïsmes, l’impudeur… Enlacé dans ses bras, je descendais avec elle et le sentais, mais sans avoir la force de me dégager. Elle ne m’aimait plus et me dégradait.

« Ces choses m’apparaissent maintenant de plus en plus ; ma raison est libre : les fous désirs qui me reprenaient parfois d’aller tomber à ses pieds et river ma chaîne ont fait place à l’aversion, qui déjà lutte avec le dégoût… Mais la plaie faite par cet amour arraché saigne et saignera toujours peut-être.

« Plus j’avais surmonté pour elle de répugnances, plus je lui avais consacré de dévouement, plus elle m’était chère ; et puis, j’étais sans doute arrivé à cette heure de la vie où l’amour veut à tout prix devenir une passion durable, une vérité faite chair. Je l’avais divinisée. Et comme elle portait bien la