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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/236

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couronne, cette reine de théâtre, et même l’auréole ! Quelle magie de jeu, d’illusion ! Quelle âme, ou plutôt quelle lyre ! Par quel étrange secret certains êtres peuvent-ils sentir tout ensemble avec puissance et sans profondeur ?…

« Où reconnaître l’accent du sentiment vrai ? Oui, cette déception a creusé en moi une inguérissable plaie, le doute. La femme, que, jusqu’à présent, j’ai respectée, adorée, n’est plus à mes yeux qu’une créature futile, presque toujours fausse et toujours trompeuse, parce que ses impressions, faute d’une véritable intensité, ne peuvent avoir de durée. »

Il ajouta en voyant une désapprobation pénible se peindre sur les traits d’Ali :

« Tu voudrais conserver tes illusions sur elle, enfant ? »

Ali, le front appuyé sur sa main, tout d’abord ne répondit pas.

« Quand j’étais enfant, dit-il enfin, j’entendais souvent parler des défauts et des vices du peuple, et ce mot représentait pour moi un être particulier, d’essence abjecte et brutale, qu’il m’eût paru alors impossible d’aimer. Plus tard seulement je compris que le nom de peuple désigne non une espèce, ni même une race, mais une condition : celle de l’homme soumis aux influences particulières du travail manuel, de la misère et de l’ignorance.

« Il devrait donc, ce nom, arrêter sur les lèvres de qui le prononce tout blâme, et saisir toute conscience du remords d’une flagrante iniquité. Cela n’empêche pas la plupart des hommes d’en faire un terme de mépris, et les vices même attachés à cette condition leur servent d’arguments pour l’éter-