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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/297

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imprégnée d’amour mystique, où Minerve, quittant la figure de Mentor, se révèle aux yeux de Télémaque ébloui. Je devenais Télémaque, et devant la belle déesse autrefois compagnon fidèle de mes épreuves et de mes travaux, je me sentais agité, sous un tremblement respectueux, de l’émotion la plus délicieuse et la plus tendre. — N’était-ce pas prophétique ? Ô chère et sacrée déesse ! ne te dérobe pas comme les autres à mes soupirs. Accepte cette union de la terre et du ciel, éternellement rêvée par l’homme ; laisse-moi mourir peut-être d’un bonheur trop grand, et non de cette horrible langueur, loin de toi.

Souvent, je souffre à ne pouvoir te peindre l’horreur de l’angoisse où je suis plongé, quand je me vois sous ton œil de femme dans le passé, dans ce cruel passé de Florence, où je t’ignorais si profondément, où rien de semblable à toi ne m’eût semblé possible, où tu ne m’avais point encore abreuvé de tant d’idéal d’amour. Là, te parlant d’une autre, à toi !… te rendant témoin… Une honte, une amertume insupportables alors me remplissent. Oh ! qui effacera ces souvenirs et de ton esprit et du mien ? Hélas ! il me semble en ces moments que nos liens sont détendus ; je te vois alors dans une autre sphère, loin de moi, qui, du fond de mon ombre, ne puis t’atteindre. Ta métamorphose, qui m’enivre, me cause aussi mille terreurs ; tu deviens pour moi plus idéale, plus sévère, plus éloignée, en même temps que mon ardeur à franchir la distance qui nous sépare est cent fois plus vive.

Quelquefois je me sens perdu… Mais alors je m’écrie vers toi, mon Ali, frère si intime et si tendre,