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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/311

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PAUL À ALINE.

Ne me parle plus de l’amour, tu me fais mal. Tu l’insultes, faute de le comprendre. Te l’entendre ainsi rabaisser, à toi !… Je ne puis te dire quelle souffrance… Ainsi parle un chimiste de la nature. Ce que vous ignorez, hélas, mademoiselle de Maurignan, c’est que tout véritable amant est un poëte. À cette heure de l’année où la terre, parée de guirlandes, sourit au ciel enivré, rêveuse là-bas, au milieu de vos lilas et de vos narcisses, les décomposez-vous pour savoir à combien de parties de carbone, d’azote, d’oxygène, vous devez leurs couleurs et leurs parfums ? Avez-vous compté les couches d’air qui vous composent ce mirage des cieux enflammés ?… Rejetez-vous de ces harmonies l’âme immense qui les remplit et qui fait palpiter la vôtre ? Ah ! chère insensée ! Toi sacrilége à ce point !… tu me désoles. Te voir aveugle, insensible ainsi ! Tu parles de choses qui te sont, hélas ! étrangères, cela est trop évident, et c’est là, là seulement, qu’est l’argument terrible, écrasant, qui me jette…

Mais je ne veux plus te parler de mon désespoir. Je n’en ai pas le droit, si tu ne peux le comprendre. Je veux te dire seulement que cela est impie, insensé, de vouloir séparer la rose de son parfum, et tes lèvres de ton âme. D’où viennent ton charme et ta beauté, si ce n’est de toi, de toi tout entière ? Et ce bonheur infini que j’eus autrefois, que tu me rappelles, de t’envelopper de mes bras, de te presser