Page:Leo - Aline-Ali.djvu/32

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Souvent, et même plus volontiers, elle parla de choses indifférentes, mais c’était en leur disant des yeux constamment : « Amis, je vous aime, je vous aime bien, et ce m’est une douceur immense de vous voir. » On sentait derrière tout cela quelque chose d’intense, d’âpre, de terrible, qui finit par pénétrer le père et la sœur d’une terreur vague. Aline se leva ; elle étouffait.

« Où vas-tu, ma chérie ? demanda Suzanne en la couvrant d’un long regard.

— Chercher ton fils. Où est-il ?

— Chez son précepteur, dit Suzanne d’une voix rauque. Il vient tout à l’heure de me quitter, et je n’ai pu obtenir de le garder plus longtemps. Réclame-le au nom de son grand-père. On étouffe cette jeune vie sous le poids de langues et de civilisations mortes. Un enfant de dix ans ne doit pas travailler le soir, n’est-ce pas mon père ? »

Aline sortit.

« On a toujours imposé l’instruction de manière à écraser l’enfance plutôt que l’instruire, dit M. de Maurignan ; mais nous étions plus robustes autrefois, et votre génération étiolée, dorlotée, nerveuse, est incapable de supporter à d’aussi hautes doses l’ennui et l’immobilité. Il faudrait faire comprendre cela au précepteur de Gaëtan.

— Vous oubliez, reprit la jeune femme avec une profonde amertume, qu’une mère n’a aucun droit sur l’éducation de son fils. M. de Chabreuil approuve le précepteur en toutes choses, et cela suffit. Cependant Gaëtan est si frêle… »

Quelque chose comme un sanglot comprimé lui coupa la voix.