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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/321

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ronce qui rampait hors du bois saisit cette robe ; Paul se précipita pour la dégager :

« Arrêtez ! dit-il, votre robe…

— Nous sommes seuls, s’écria-t-elle, et tu me dis vous !

— Ah ! pardon, balbutia-t-il.

— Ami, cher ami, reprit Aline, c’est nous, les mêmes que là-bas, à Solalex. Donne-moi ton bras et laisse-moi te raconter quelles ont été mes pensées en ton absence, quand je ne songeais pas trop à toi.

« Un jour que je revenais d’une de ces habitations creusées sous la terre, songeant, et contemplant les choses de ce monde, je me vis, moi, seule, riche et instruite, au milieu de ces pauvres ignorants, et il me sembla que je représentais encore, et presque aussi durement, la châtelaine d’autrefois. Ces gens me servaient, ils travaillaient pour moi, qui restais oisive. Ils manquent souvent du nécessaire, et l’abondance règne autour de moi ! Cependant, en apparence, ils ne peuvent m’adresser aucun reproche ; leur liberté n’est à moi qu’indirectement, par la faim, par le désir des biens dont je dispose. Plus de corvées ni de redevances ; mais du fruit de leur travail à moi seule je prends la moitié, et pour mes seuls besoins, sans compter l’argent placé, je partage avec dix familles. N’est-ce pas odieux ?

— Vendons nos biens, dit-il ; donnons tout aux pauvres, et laisse-moi travailler pour toi. Je le veux de tout mon cœur. »

Elle sourit :

« Mon ami, les pauvres que nous ferions riches auraient tout de suite des métayers.