Page:Leo - Aline-Ali.djvu/323

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au vrai de toi-même, et tu es la créature de ce monde la mieux faite pour les accomplir. Tu peux régénérer cette contrée. Nomme-moi ton maître d’école. Ce sera ma raison d’être près de toi… puisqu’il m’en faut une. »

L’amour, l’enthousiasme, poussés jusqu’à l’idolâtrie, éclataient dans ses yeux, dans tous ses traits, dans sa voix. Émue, rêveuse, Aline, avec un embarras un peu triste, laissait errer ses yeux autour d’elle, évitant ceux de son amant. Et, tandis qu’avec insistance elle ramenait l’entretien sur les généralités sérieuses, où ils aimaient autrefois à confondre leurs pensées, lui, ne voyant qu’elle, entendant surtout sa voix, s’enivrait des poésies qui les entouraient, et dont elle doublait pour lui l’influence. Attentif à ses moindres gestes, adorant tout sans choisir, il saisissait tout prétexte de la servir, inquiet des caresses de l’air, des baisers du soleil, de la rudesse de la terre, au fond ne tendant qu’à l’envelopper de lui-même et qu’à l’absorber en lui ; situation charmante, quand la joie d’être adorée répond secrètement à ce besoin d’adorer ; mais désormais, dans cet attachement si vrai, si profond, existait une secrète discordance. En amour, sous cet émoi qu’on nomme pudeur, la passion se cache, et les paupières ne se baissent que pour la voiler. C’était sur une expression de souffrance que s’abaissaient les paupières d’Aline, et cette ivresse que tout révélait en lui semblait, au lieu de charmer la jeune fille, lui causer une irritation secrète.

À l’une des extrémités du parc, sous un bocage d’ormes et de bouleaux, ils entrèrent dans un pavillon composé d’une seule pièce très-simple, et