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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/328

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d’un homme de cœur ; mais M. Rongeat me paraît fort calculateur et… peu digne de vous. »

Une discussion eut lieu sur le caractère de M. Rongeat, à la fin de laquelle Hélen Dream, fondant en larmes, s’écria qu’elle voyait bien qu’on voulait l’empêcher d’être heureuse.

« Heureuse, dit Aline, puissiez-vous l’être ! mais je vous l’avoue, ce choix m’étonne. M. Rongeat a reçu peu d’éducation, il est bien plus jeune que vous…

— Oh ! huit ans seulement, mademoiselle, il en a eu trente le mois passé. C’est moi plutôt qui suis un peu vieille, mais c’est pourquoi il est bien temps de me décider. »

Cette réflexion naïve arrêta toute nouvelle objection sur les lèvres de M¹le de Maurignan et la jeta dans la rêverie : cette pauvre femme, lasse de solitude, voulait la vie, la vie de l’amour maternel et conjugal, et tandis qu’Aline au sentiment exalté de sa pudeur, de sa dignité, sacrifiait ces joies éternelles, Hélen, leur cédant tout, se sacrifiait elle-même aveuglément.

« C’est d’ailleurs ainsi qu’agissent toutes les femmes, se dit Aline. Au delà de ce joug qu’on leur impose, elles voient l’enfant, la famille, la vie humaine, si rapetissée qu’elle soit, et pour obtenir ces biens elles courbent la tête. Il y a là sans doute cette absence de force, de raison, de respect de soi, suites de l’ignorance et de l’oppression ; mais n’y a-t-il pas aussi un entraînement touchant vers ces grandes sources de la vie, où, par l’amour, l’être se développe et se retrempe ? Ah ! maudits ceux qui les ont empoisonnées !… Qui de nous deux a raison,