Page:Leo - Aline-Ali.djvu/37

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cacher aux jeunes filles la vérité sur la vie. Et ce mot d’ordre, celles mêmes qui en ont été victimes le respectent, par un lâche consentement, et laissent les illusions de leurs sœurs, de leurs filles aboutir au même dénoûment fatal. Préjugé ?… sottise ?… pudeur ?… que sais-je ?… Moi-même animée par le désir de te sauver, je frémis pourtant comme sous l’impression d’un sacrilége.

« Elles sont, en effet, sacrées, vos ignorances…

« Mais faut-il donc à ce rêve sacrifier la vie entière ? Et quand une main brutale s’apprête à le violer, vous perdre… pour le conserver quelques heures de plus ? — Non, la réserve poussée à ce point devient imbécile. Aline ! le mariage est un antre que voile un rideau de théâtre peint de guirlandes et d’amours, mais derrière lequel est une chute immense. Je t’en parlerai, si tu veux m’entendre. Pour préserver ta pudeur, pour guider ta liberté, je t’offre ma cruelle expérience. La veux-tu ? »

En écoutant ces paroles, Aline avait rougi. À cette dernière question, elle devint pâle et resta quelque temps muette. Son cœur se serrait d’appréhensions ; sa pudeur s’alarmait de l’explication offerte… Elle pensa aussi que ce serait mal, à cause de Germain. Cependant Suzanne était chaste et fière ; Aline s’en savait tendrement aimée…

Tout à coup, il lui vint l’idée que cette confidence, qui devait être l’histoire des déceptions et des chagrins de sa sœur, indiquerait sans doute quelque moyen de consolation, de salut. Aline savait depuis longtemps que sa sœur était malheureuse ; mais elle l’avait appris seulement par ces demi-mots qu’on laisse échapper en famille, et dont la réti-