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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/378

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entreprise dite politique, et j’en exprimai le doute.

« Mlle de Maurignan, reprit mon ami, n’a qu’un but celui de combattre partout l’immoralité dans l’ignorance. « Donnons de la lumière » est son mot d’ordre. Elle se consacre surtout aux femmes, parce qu’elle les voit plus déshéritées, et que leur moralisation lui semble importer le plus à celle de l’humanité. Mais elle est naturellement de toute action qui a pour but d’éclairer les masses, et je lui ai souvent entendu exprimer le désir d’un journal semblable à celui que vous méditez. »

Peu de jours après cette conversation, je me rendis chez Mlle de Maurignan. L’hôtel qu’elle habitait, rue de l’Université, n’avait ni l’aspect solennel des demeures aristocratiques, ni la sévérité glaciale des couvents et maisons ordinaires d’éducation. Des femmes, des jeunes filles, passaient dans les cours, ou regardaient aux fenêtres, causant et riant. Ce vaste nid d’oisifs opulents était devenu ruche. On m’introduisit dans une petite pièce à boiseries sculptées, meublée de fauteuils et de livres ; la fenêtre ouvrait sur le jardin, où s’épanouissaient alors les premiers bourgeons. Au bout de cinq minutes, une femme entra ; je me levai, nous échangeâmes nos noms ; c’était Mlle de Maurignan.

Grande, mince et pâle, vêtue d’un costume noir, dont un simple col de batiste blanche modifiait à peine la sévérité, coiffée de ses cheveux, simplement relevés, et, bien qu’elle eût perdu l’éclat de la jeunesse, dépourvue de tout artifice mondain, cette figure, au premier aspect, me frappa d’une vive impression de respect et de sympathie. Elle avait ce charme imposant et mystérieux qui naît de l’union