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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/39

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atténue en ce monde la responsabilité de bien des crimes. Je pardonne à notre cher père. Il est de ces esprits vifs, brillants, généreux, qui font de telles excursions dans le champ de l’idéal que cela suffit à les satisfaire. Pour innover, d’ailleurs, et surtout en éducation, il faut des résolutions exceptionnelles. Donc, élevée, comme toutes les jeunes filles du grand monde, dans ces serres chaudes où croissent uniquement le lis et la fleur de l’oranger, soigneusement tenue à part de tout contact des réalités vulgaires, l’esprit orné de légendes, en guise d’instruction, nourrie de parfums, enivrée d’idéal, bercée de rêves, — une nuit, sans m’avoir dit où j’allais, à la suite d’un bal, on me jeta dans le lit d’un homme, d’un débauché. J’étais marquise de Chabreuil.

« … Mon enfant chérie, il est des images que deux honnêtes femmes ne peuvent évoquer entre elles, des confidences auxquelles leur langue et leurs oreilles se refusent. Ce que je puis te dire seulement est ceci : la nuit des noces est le réveil le plus horrible et le plus brutal de ce rêve que, grâce aux perfidies de notre éducation, nous composons de sublimités et de poésies. Ce fiancé respectueux et discret dont le plus grand privilége était de baiser notre main, cet amant présenté par un père et dont la recherche emprunte à l’approbation de la famille un caractère chaste, grave et pieux…, cet homme, type de noblesse, de convenance, de cœur, le masque tombé, n’est plus qu’un satyre. Au rebours des contes de fées, ce n’est pas la bête, spirituelle et bonne, qui se change en un beau prince… hélas ! non ; c’est le beau prince qui se change en bête. »