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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/40

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Mme de Chabreuil s’arrêta en regardant sa jeune sœur, qui, la tête penchée, les yeux baissés, frémissante, mais muette, semblait s’entourer de silence et d’immobilité comme d’un voile. Les traits de Suzanne exprimèrent une pitié profonde, et d’un ton de voix plus tendre et plus doux, elle reprit :

« Chère Aline, il faut le dire, nous apportons aussi nos torts dans cette douloureuse épreuve ; car c’est folie que de rejeter sa propre nature et de s’élever contre les conditions inévitables de sa propre vie. Cette terre ne contient probablement pas le dernier mot de notre destinée ; mais du moment où elle nous a enfantés, nourris, nous sommes faits pour elle ; nous lui appartenons par des liens suffisants, réels, et dont il est faux de rougir.

« Donc, à quoi bon ce mystère, qui doit si promptement être dévoilé ? À quoi bon ce haut vol, pour aboutir à cette chute ? Pourquoi chercher des ruses contre l’inévitable ? Pourquoi séparer comme ennemies la chasteté et la vérité ? Si l’on élève les filles pour le cloître, à la bonne heure ; mais si pour la vie, de quoi servent ces fausses notions et cette ignorance, laborieusement tramée ? Si j’avais été mère d’une fille, mère véritable, c’est-à-dire libre d’élever moi-même mon enfant, je lui aurais simplement et chastement enseigné la réalité. En éducation, comme en toute chose, il n’y a d’utile et de bienfaisant que le vrai. Elle eût senti dans la nature l’innocence des lois éternelles, qui se transforme en chasteté dans l’amour humain, par l’intelligence et la liberté. Elle ne se fut pas soumise avec honte, mais se fut donnée avec orgueil et bonheur.

« Car l’esprit humain, vois-tu, est le créateur de