Page:Leo - Aline-Ali.djvu/41

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la vie. Il peut souiller le devoir aussi bien que purifier la fange. Il s’élève au sublime, appuyé sur le vrai ; mais l’abandonne-t-il sous prétexte de voler plus haut encore, il tombera d’autant plus bas. Ces ailes d’ange chrétien qu’on vous attache au dos, pauvres filles, c’est pour la prostitution qu’elles vous enlèvent à l’amour !

« Le lendemain de mon mariage je haïssais mon mari. Tombée du haut de cette royauté d’innocence faite à la jeune fille, et entourée de tant de faux respects, dans l’abîme de la dernière humiliation, ma douleur, si stupéfiante qu’elle fût, se mêlait d’un profond ressentiment. Je ne songeai d’abord qu’à briser cette horrible chaîne. Que pouvais-je cependant ? Quand mon courage, à dix-huit ans, se fût élevé jusqu’à braver la peur du scandale, quand j’aurais accepté de vouer ma vie, à peine commencée, aux tristesses de l’isolement, pour quels motifs aurais-je pu demander une séparation ? Alléguer mon âge, mon ignorance, mon erreur, et demander protection pour ma pudeur contre… mon mari ! Quel plaisant procès ! et comme en eussent ri les juges eux-mêmes ! Ah ! c’est une chose bien immonde que cette opinion publique à laquelle on sacrifie tout !

« Oui, j’avais contre moi la société tout entière, ma famille elle-même. Notre père vit ma souffrance et n’eut pour elle qu’un sourire. Longtemps, silencieuse dans ma honte, je roulai en moi des projets de mort ou de fuite ; mais le courage me manqua pour me tuer, et seule, sans ressources suffisantes, je ne pouvais fuir. Ma dot et moi nous appartenions à cet homme, et ma vie était