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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/42

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rivée à la sienne, de par la force des choses et par la loi.

« On me forçait d’être lâche, je le fus. La vie, dans la jeunesse, a de si puissantes attaches, qu’elle se reprend au moindre support. L’obligation d’aller dans le monde me fut une distraction forcée. Peu à peu je connus la vie telle qu’elle est, et, tout en la méprisant, je me crus moins le droit d’enfreindre des lois si universellement consenties. Mon mari, fier de moi, me comblait de soins. Lasse de ma résistance vaine, je finis par me résigner à cette existence, comme un prisonnier se résigne à sa chaîne et à sa prison. Après avoir reconnu que je subissais le sort général et que les autres hommes ressemblaient plus ou moins à M. de Chabreuil, cessai de lui en vouloir, et je tombai dans une apathie morale qui eût pu devenir bien profonde…, mais à laquelle la naissance de mon fils m’arracha. Ne pouvant être épouse, au moins je fus mère, et d’autant plus passionnée. J’insistai pour le nourrir, et, aidée de mon médecin, je l’emportai dans cette lutte contre la volonté du marquis.

Oublieuse alors de tout autre objet que mon fils, je me plongeai dans ces joies maternelles, si pures, si charmantes, où je retrouvais mon âme, au spectacle de la renaissance de cette âme d’enfant. J’étais reconnaissante à mon mari de m’avoir donné ce trésor ; je l’en aimais presque et l’appelais à jouir avec moi des progrès de Gaëtan. Mais il avait bien autre chose à faire ; de telles joies étaient trop au-dessous de lui ; il en souriait avec cette pitié dont l’importante sottise des hommes seule a le secret, et baisant dédaigneusement l’enfant, par grâce, il cou-