Page:Leo - Aline-Ali.djvu/58

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ou de n’y descendre qu’en sachant bien où tu vas. Ton fiancé, ma sœur, n’est ni un criminel, ni un dieu : c’est un homme, né dans les préjugés inséparables de tout privilége, et qui probablement y mourra.

— Il est généreux ! dit Aline, il est sincère ! je ne puis douter du moins à mon égard…

— Crois-tu donc, mon enfant, à l’amour de l’égalité chez les princes ? Vois-tu, chacun vit dans son préjugé comme au sein d’une atmosphère où les rayons du vrai ne pénètrent qu’obliquement. L’homme, chef de la femme, de toute barbarie et de toute antiquité, croit à son empire et le veut garder. Tout l’ordre qu’il a bâti repose sur cette base, et il y tient comme un roi à son royaume, comme un mandarin à son bouton, comme tout être qui ne se sent pas une valeur propre, suffisamment déterminée, tient à la fonction extérieure qui lui crée et lui formule une valeur toute faite. Né sur le trône de la suprématie masculine, l’homme a le vice, l’infirmité secrète de la souveraineté ; il peut déclamer sur la liberté des discours sublimes, il peut écrire sur l’égalité des traités superbes, il redevient despote en rentrant chez lui.

« Va, j’ai pénétré dans la conscience de plus d’un, et des réformateurs même. S’il en est de sincères assez pour déposer le pouvoir, au moins ne se croient-ils pas simplement justes, mais héroïques, et pour votre droit qu’ils vous ont rendu vous demandent un culte en retour. Car ce sont, vois-tu, malgré tout, des naïfs de premier ordre, et parfois ils feraient sourire, s’ils ne faisaient tant souffrir !…

« Que de peines ils se donnent pour dorer notre