Page:Leo - Aline-Ali.djvu/66

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Quelque repos, ou du moins la solitude, après une secousse aussi violente, n’était pas inutile à Mlle de Maurignan. À peine entrée dans la chambre qui lui avait été préparée, elle se jeta dans un fauteuil, pressa de ses mains son front et se mit à verser des larmes abondantes.

Quel réveil pour son rêve de fiancée ! Germain !… Lui qu’elle admirait avec une estime si douce, était-il possible qu’il fût ce despote grossier que Suzanne affirmait se trouver au fond de toute âme d’homme ?

La jeune fille ne le pouvait croire et se reprochait même ce doute ; mais pourtant, au sujet des relations de Germain avec la comtesse de Rennberg, mille vraisemblances lui revenaient à l’esprit et s’accumulaient, jusqu’à prendre l’ampleur d’une certitude.

D’autres faits, d’autres figures, en même temps, surgissaient dans son souvenir, sans cause apparente, mais qui se rapportaient tous à l’accusation terrible portée par Mme de Chabreuil contre les mœurs et l’esprit des hommes.

Rassemblant tous les indices pour les comparer à l’explication qui venait de lui être donnée ; attachant sur la vie, dont elle n’avait connu jusque-là que les surfaces, un œil investigateur, la jeune fille s’efforçait d’en pénétrer les secrets. Certains mots qu’elle n’avait pas autrefois compris, de mystérieux sourires, des réticences, traversant comme des éclairs son esprit, lui révélaient des situations qu’elle n’avait pas soupçonnées et peuplaient de figures connues le monde égoïste et brutal dépeint par Suzanne.