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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/67

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En voyant de telles réalités envahir le milieu honnête et paisible où jusque-là elle avait cru vivre, Aline se sentait pénétrée d’effroi. Par moments aussi, lorsqu’elle songeait à ce que sa sœur lui avait dit du mariage, une vive rougeur montait à son front, et son ignorance, à demi éclairée, s’épouvantait. Mais, tout à coup, au milieu de ces préoccupations personnelles, le sentiment de la situation de Suzanne lui revenait, et elle se sentait remplie, outre sa douleur, d’une stupeur profonde.

L’adultère ! quoi ! ce monstre, dont elle savait l’existence, — comme celle des dragons de la fable, — mais qu’elle eût pensé ne jamais rencontrer devant ses pas, il était là, près d’elle ! Et dans le sein d’un être qu’elle chérissait, de sa propre sœur ! Et Suzanne, au lieu de pleurer sa faute, en rejetait le tort sur des lois insensées, coupables ! Suzanne accusait d’infamie ce contrat, qu’honore l’opinion comme la base de l’ordre moral !…

Ce n’était cependant pas une âme toute neuve, ni un esprit irréfléchi que frappaient de telles surprises. Le milieu intellectuel où vivait cette jeune fille, et la propre nature de sa raison, lui avaient fait déjà franchir ce grand pas de la mise en question des choses établies. Elle ne s’arrêta donc pas longtemps à l’épouvante que pareille aventure cause aux esprits incultes. Elle se promit seulement avec fermeté de tout suspendre dans sa destinée, de ne s’engager qu’en toute sûreté, et en attendant elle ne voulut s’occuper que du malheur de Suzanne, malheur si désespéré, si profond !… Elle se promit de sauver sa sœur, et, coupable ou non, de la consoler par sa tendresse. Le plan qu’elle avait déjà formé