Page:Leo - Aline-Ali.djvu/68

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saisit de nouveau sa pensée, et, le coude ployé sur le bras de son fauteuil, la tête appuyée sur sa main, creusant les possibilités d’exécution, elle s’y absorba…

Quatre heures sonnèrent. La lampe baissait ; le feu s’était éteint. La jeune fille en frissonnant releva sa tête brisée ; elle était saisie de froid et ressentait dans tout son corps les meurtrissures d’une chute. Elle se dit que le lendemain son père, la trouvant pâle et défaite, regretterait de l’avoir laissée près de Suzanne, et elle voulut essayer de dormir un peu.

Elle se coucha ; ses yeux, fatigués de larmes, se fermèrent ; mais elle ne pouvait dormir. Un monde d’idées et d’images se pressait dans son cerveau. Elle voyait sans cesse défiler, soit groupés, soit l’un après l’autre, les acteurs innombrables de la comédie humaine, et chacun d’eux, après avoir théâtralement débité de beaux sentiments comme un rôle, partait d’un éclat de rire et murmurait de grossiers lazzis à l’oreille de ses compères. Germain lui apparut à son tour, mais sous deux aspects bien différents : ici, doux et triste, regardant Aline d’un air de reproche ; là, renversé dans les bras de la comtesse de Rennberg et choquant son verre avec de fous compagnons.

Elle vit aussi la figure, désormais détestée, d’Ernest de Vilmaur, portant sur ses lèvres un odieux sourire ; et tous les détails de la première entrevue de cet homme avec Suzanne se retracèrent à elle. C’était chez M. de Maurignan qu’ils s’étaient connus. Ernest de Vilmaur arrivait alors d’Amérique, et il n’était bruit que de son aventureux voyage, des renseignements inédits qu’il rapportait, des dangers