Page:Leo - Aline-Ali.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pirait la paix. Une tiède atmosphère le remplissait, ainsi qu’un doux silence ; le soleil printanier, se glissant par les persiennes, projetait dans la chambre ses lamelles d’or, et derrière les rideaux de satin bleu et de dentelle étendait une rose lueur. Dans cette aube, tout semblait sourire : les portraits et les tableaux, une aïeule couronnée de roses et un chevalier à cordon bleu, les Moissonneurs de Robert et la Kermesse de Rubens, les guirlandes mobiles qui pendaient du lustre et les guirlandes peintes du plafond. La molle épaisseur du tapis reçut sans bruit les pas d’Aline. Arrivée en face de l’alcôve, entre les rideaux, elle vit se dessiner sur le lit la forme onduleuse de la jeune femme.

« Comme elle dort paisiblement ! se dit-elle ; quel heureux sommeil ! »

Elle s’avança, et de tout près n’entendant nul bruit, nul souffle, ne percevant nul effet de vie, elle eut au cœur un saisissement, et sentit une sensation de froid l’envelopper ; instinctivement elle fit un pas en arrière. Mais elle se dit :

« Suis-je folle ! »

Et, se penchant sur le lit, elle toucha sa sœur et la trouva froide et morte.

Alors toute réalité s’effaça pour elle dans un chaos où l’informe, l’horrible, l’abîme, se croisaient sous une pluie de feux, où sa propre vie, foudroyée, ne se rattachait qu’à des débris de cerveau qu’avec une douleur intense elle voyait passer. Le sens de la durée de même lui échappa, jusqu’au moment où elle se retrouva debout à la même place et porta la main à sa tête, sentant violemment tiraillées toutes les fibres de son cerveau. Ses yeux, en même temps,