Page:Leo - L Institutrice.djvu/100

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comme elles sont toutes : quelques marches, un rez-de-chaussée à contrevents gris, l’étage, les mansardes, le toit en ardoises ; sous les fenêtres du rez-de-chaussée, des plates-bandes où croissent les passe-rose et les giroflées ; rien de particulier, de familial, d’intime, demeure banale, patron vulgaire, article de confection bâti pour tous ceux qui peuvent en donner le prix. — Mais elle, habitante des masures allouées par la munificence de l’État à l’institutrice nationale, ne concevait rien de plus beau. Et d’ailleurs ce toit confortable, luxueux pour elle, abritait la famille, cet autre idéal, cette autre richesse qui ne lui était pas moins refusée. Là, vivait la famille de l’homme qu’elle avait aimé. Des larmes vinrent aux yeux de Sidonie, et elle eut peine à cacher son trouble aux yeux de sa mère.

À la rumeur que leur entrée excita dans la cour : aboiement des chiens, sifflements d’oies, gloussements de poules, une tête de femme parut à l’une des fenêtres et Mme Ernest accourut au-devant de ses visiteuses.

Était-ce bien elle ? avait-elle changé, cette épousée ! que poétisaient autrefois sa grande jeunesse et ses magnifiques toilettes ! Ce n’était plus maintenant qu’une petite femme noiraude et rouge, aux traits assez vulgaires, et sans physionomie. L’éclair qui embellit le masque le plus ingrat lui manquait absolument, comme en général à tous ceux qui vivent dans cette torpeur intellectuelle et morale de la vie campagnarde actuelle. Elle était presque salement vêtue et s’en excusa grandement.

— Que voulez-vous ? on ne voit jamais personne ici, fut son principal argument. —