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Page:Leo - L Institutrice.djvu/186

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— Non, jamais ! murmura-t-elle, se parlant à elle-même ; non, jamais !

Elle regardait le saule, et son sentiment confus eût pu se traduire ainsi :

— Non, je ne donnerai pas cette ignoble fin à ma pauvre jeunesse, belle au moins de sa pureté. Je garderai du moins mon idéal d’amour, seule richesse de ma triste vie !

— Comment ! comment ! s’écria M. Lucas, en se rapprochant d’elle, — et un spectateur eût ri de l’ébahissement qui succéda tout à coup à cette fleur de contentement de soi, épanouie d’habitude sur son fade visage. Voyons, qu’est-ce que cela veut dire. Mademoiselle Sidonie ? Vous n’y pensez pas ; c’est de la folie ! Vous voulez faire l’enfant, hein ? Voyons, regardez-moi, il ne faut pas être effarouchée comme ça.

— Je vous remercie, monsieur, de vos bonnes intentions à mon égard, dit Sidonie, que la familiarité de cet homme rendit tout à coup imposante et calme ; j’ai renoncé au mariage.

— Bah ! bah ! reprit-il irrité, presque insolent, il faut qu’il y ait là-dessous quelque chose. Refuser ainsi un mariage honorable et un homme qui… sans me vanter, enfin, un homme comme moi, c’est étrange !… dans votre position. Enfin, je ne me charge pas de deviner vos raisons, mademoiselle. Je voulais faire votre bonheur ; c’est surtout ce qui m’engageait.… Vous ne voulez pas, soit ; je n’ai plus rien à dire. Mais je ne vous conseille pas de vous en vanter : tout le monde vous donnerait tort.

Il la salua sèchement, mit son chapeau sur sa tête avant de se retourner et, rouge de colère, il reprit seul, à grands pas, le chemin du village.

(À suivre)

ANDRÉ LÉO