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L’INSTITUTRICE[1]
Sidonie le suivit d’un regard de mépris.
Cette décision, qui l’avait, le matin, tant
agitée, ne lui coûtait pas un regret. Elle
s’assit sur la branche du saule, à la place
autrefois accoutumée, et tomba dans une
longue rêverie. Cet incident brutal avait
remué toutes les amertumes de sa vie ; elles
remontaient une à une jusqu’à ses lèvres,
et, après y avoir déposé leur goutte de fiel,
redescendaient, faisant place à d’autres, au
fond de son âme. C’était bien fini ; le bonheur
n’était pas pour elle ; elle le savait depuis
longtemps ; mais il n’en fallait pas
moins le répéter souvent ; car son cœur l’oubliait
toujours.
Ah ! pourquoi, se disait-elle en ces moments-là, pourquoi suis-je venue dans la vie ? À quoi bon ? Et elle ne se sentait plus le courage de continuer cette longue succession de jours vides qui, selon toute probabilité, lui restaient à parcourir. Cependant, le souvenir lui vint de ses élèves qui l’aimaient, à qui elle était nécessaire, et
- ↑ Voir la République française depuis le 26 décembre 1871.