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Feuilleton de la République française
du 31 janvier 1872

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LES FILLES PAUVRES

L’INSTITUTRICE[1]



Sidonie le suivit d’un regard de mépris. Cette décision, qui l’avait, le matin, tant agitée, ne lui coûtait pas un regret. Elle s’assit sur la branche du saule, à la place autrefois accoutumée, et tomba dans une longue rêverie. Cet incident brutal avait remué toutes les amertumes de sa vie ; elles remontaient une à une jusqu’à ses lèvres, et, après y avoir déposé leur goutte de fiel, redescendaient, faisant place à d’autres, au fond de son âme. C’était bien fini ; le bonheur n’était pas pour elle ; elle le savait depuis longtemps ; mais il n’en fallait pas moins le répéter souvent ; car son cœur l’oubliait toujours.

Ah ! pourquoi, se disait-elle en ces moments-là, pourquoi suis-je venue dans la vie ? À quoi bon ? Et elle ne se sentait plus le courage de continuer cette longue succession de jours vides qui, selon toute probabilité, lui restaient à parcourir. Cependant, le souvenir lui vint de ses élèves qui l’aimaient, à qui elle était nécessaire, et

  1. Voir la République française depuis le 26 décembre 1871.