Page:Leo - L Institutrice.djvu/195

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quité qui couvre encore la terre de son ombre, et que défend d’un soin jaloux, âpre, l’esprit toujours vivant qui l’a créée. Il n’était que trop réel, ce dieu aristocratique, ce maître jaloux. Sa malédiction sur le travailleur subsistait encore ; l’épée était toujours là pour écarter de l’Éden ceux qui gagnent leur pain à la sueur de leur front ; et depuis tant de milliers d’années, elle avait toujours force de loi contre la partie la plus nombreuse de l’humanité, cette défense odieuse : Il ne faut pas qu’ils mangent du fruit de l’arbre de science, parce qu’ils deviendraient comme l’un de nous.

N’était-ce pas encore, au dix-neuvième siècle, appliqué sur toute la terre ? La science n’est-elle pas vendue, c’est-à-dire interdite au pauvre ? là même où elle se donne, soigneusement mesurée ? restreinte à certains degrés ? L’héritage d’Ève est divisé en deux parts : la grande pour le petit nombre, et pour le grand nombre la petite part. Et pourtant, le trésor de sa nature est inépuisable, et plus on le répand, plus il s’agrandit.

C’est en vain que toute l’œuvre du génie humain tend de plus en plus à porter aux lèvres du peuple la grande coupe de la communion universelle ; en vain que surgissent Gutenberg, Estienne, Didot, Papin, Watt, Stéphenson. À chaque progrès, qui ouvre la voie, répond une barrière qui se construit ; à chaque plume qui pousse aux ailes de la presse, un poids est attaché qui en neutralise l’essor. Lois contre l’imprimerie, lois contre le journal, lois contre le colportage, lois contre l’écrivain, lois contre les presses à copier, lois contre la parole.