Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/2

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son bien soignée ; toujours est-il que dans le jardin du Bourny se voyaient une douzaine de ces petits toits coiffés de paille, autour desquels bourdonnaient, allaient et venaient, rentraient et sortaient les bonnes mouches à miel, avec l’activité joyeuse d’un peuple qui fait ses affaires. Les ruches étaient posées sur de belles pierres blanches ; on n’y voyait point d’herbes ni de broussailles qui passent loger les mauvaises engeances, et le mur en arrière, exposé au midi, était garni d’abricotiers et pêchers, justement en fleurs au moment dont je vous parle, c’est-à-dire au printemps de 1870. Les abeilles n’allaient pas loin pour trouver pâture ; car les arbres fruitiers, à quenouilles ou en plein vent, ne manquaient pas dans le reste du jardin, et l’on y voyait aussi, le long de la principale allée, deux plates-bandes de fleurs : narcisses, jonquilles et jacinthes, qui donnaient fort à parier que la maison n’était pas sans quelque jeune fille, amoureuse de fleurs en attendant mieux.

Disons tout de suite que le pari eût été gagné. Mais, avant de faire connaissance avec les enfants, il est bon de parler du père : Mathurin Chazelles était connu dans la commune de Fouligny pour un des meilleurs cultivateurs, s’il n’était même le premier. Pourtant, dans sa jeunesse, il n’avait été que simple journalier, sans plus d’instruction que les autres, et ses parents ne lui avaient fourni pour toute fortune que des bras nerveux, un grand courage, un bon jugement et l’honnêteté. Cette fortune-là en vaut bien une autre ; Mathurin Chazelles l’avait fait voir.

De 14 à 25 ans, il avait travaillé dans les fermes, gagnant des gages de plus en plus forts, et bien traité de ses maîtres, parce qu’il était bon travailleur. Déjà, tout en aidant ses parents, il avait mis de côté quelques écus, lorsqu’il devint amoureux d’une jeune fille de Fouligny qui était orpheline et possédait