Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/3

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de l’héritage de ses père et mère 5 à 6,000 francs. Mathurin n’osait pas trop lui parler, car elle ne manquait pas de galants plus riches que lui ; mais ce fut lui qu’elle aima et, malgré tout ce qu’on put dire pour l’en empêcher, elle voulut être sa femme.

Il n’y eut jamais de meilleur ménage, car ils étaient honnêtes tous les deux et s’aimaient beaucoup. Grâce à l’avoir de sa femme, Chazelles put prendre à ferme le Bourny, qui ne valait pas dans ce temps-là, soit vingt-sept à vingt-huit ans auparavant, beaucoup plus de la moitié de ce qu’il était arrivé à valoir en 1870 ; le fermage n’était donc pas fort ; Chazelles l’eut pour neuf ans et s’y mit à l’œuvre de tout son cœur, afin d’en tirer sa vie et celle des siens, et, s’il se pouvait, davantage. Il lui poussait, outre les récoltes, un enfant tous les deux ans ; heureusement les récoltes allaient plus vite. Et promptement, entre ses mains, elles devinrent meilleures qu’auparavant.

C’est que Mathurin Chazelles avait les deux qualités nécessaires au cultivateur : un grand amour du travail et le savoir-faire. Sans avoir étudié, il n’était point sot, et avait appris tout seul bien des choses. Car ce n’est le tout que d’étudier, comme ce n’est le tout que d’ensemencer : encore faut-il que la graine soit bonne et le terrain bon ; on voit plus d’un sot qui est allé non-seulement à l’école, mais au collége ; tandis qu’il y a des gens qui savent à peine et n’en sont pas moins pleins d’idées et de bon sens. Les deux ensemble seraient le mieux, c’est-à-dire la bonne instruction et l’intelligence naturelle ; mais le monde va comme il peut, non comme il devrait aller. Il faudrait de meilleures écoles et en plus grand nombre ; il faudrait aussi plus de loisir aux gens de travail ; mais, au train des choses, il ne parait pas que ceux qui gouvernent soient pressés de voir tous les citoyens capables de juger de ce qui se fait, et de s’entendre aux affaires publiques. Passons là-dessus ; nous ver-