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Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/40

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sommes des gens simples, et, comme je vous le disais, nous n’avons point le temps de nous occuper de ça. Pourvu que les récoltes soient bonnes, que le commerce aille bien, c’est tout ce qu’il nous faut à nous autres, et la politique ne nous fait rien.

— Ah ! la politique ne vous fait rien. Vous croyez ça, maitre Chazelles ! Vous, un homme d’âge et d’expérience. Eh bien, si je vous disais, moi, que la politique, au contraire, est votre plus grosse affaire, parce que toutes les autres en dépendent, grandes ou petites, et si je vous le prouvais, que me diriez-vous ?

— M’est avis, monsieur, que vous auriez de la peine à me montrer que ça fasse pousser notre blé ?

— Je vous montrerai ça aussi.

— Alors, ça sera curieux, dit le paysan, en riant et en mettant les deux coudes sur la table, pour bien écouter. Il poursuivit d’un ton goguenard :

— Je sais que vous parlez bien, monsieur, et ça me fera plaisir de vous entendre.

— Non, maitre Chazelles, je ne suis pas de ces gens bourrés de paroles qui, à force de vous remplir les oreilles et de vous tirer les nerfs, vous font croire ce qui n’est pas. J’entends causer avec vous tout simplement et ne parler que de choses que vous connaissez aussi bien que moi. Et c’est vous-même qui direz si j’ai raison. Tout d’abord, posons ceci : Vous n’êtes pas dans un pays désert, où tout ce que vous feriez dépendrait de vous seul, de votre travail, de vos terres et de vos moyens de cultiver. Nous sommes dans un pays très peuplé, où les hommes, forcément, pour vivre entre eux, sans avoir à se prendre du bec et des ongles à tout moment, sont convenus de tout régler par des lois avec un gouvernement chargé de faire exécuter ces lois et malheureusement aussi de les faire. Mais passons. N’est ce point ainsi ?

— De vrai, répondit Chazelles.

— Ce sont donc les lois, le gouvernement, autrement dit la politique, qui règlent tout ce que nous devons et pouvons faire, et voilà pourquoi il me parait juste