Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/221

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— Non, mam’zelle. Hier soir, il était allé parler à M. Bourdon, mais ne l’a point trouvé. Toute la nuit, il l’a passée à gémir et à pousser des soupirs. Eh ! Seigneur ! des soupirs gros comme si le cœur lui avait sauté ! Ce matin, Cadet et lui ont causé longtemps dans la grange, et quand Mourillon a sorti, il avait un air !… Ah ! mon Dieu !… et alors je l’ai entendu qui disait : À cette heure, mon gars, c’est fini ! je ne te fais pas de reproches, mais nous sommes perdus, quoi ! — Là-dessus il a parti par le jardin, et depuis ne l’avons revu. Tant seulement il n’est venu prendre une bouchée à la collation. Héla ! le cœur me faut à penser qu’il est peut-être allé se jeter dans la rivière. Ah ! mam’zelle Lucie, nous sommes trop malheureux !

— Je vous plains vivement, dit la jeune fille dont les yeux étaient remplis de larmes. Eh bien ! Mourillonne, où allez-vous donc ainsi ?

— Partout, mam’zelle, jusqu’à ce que je l’aie trouvé. Y a vingt-trois ans que nous sommes ensemble, et je laisserai pas mon homme se faire un mauvais sort, si je peux l’en empêcher.

— Alors, donnez-moi ce gros enfant qui vous écrase, et soyez tranquille, il sera bien soigné.

— Prenez-le, mamz’elle, puisque vous avez la bonté ; s’il vous tourmente, portez-le… à cette malheureuse…, elle sera bien aise de le voir. Moi, je ne saurais encore l’envisager. Elle est là chez la Françoise. Adieu, mam’zelle Lucie, en bien vous remerciant.

— Viens voir les beaux oiseaux de ma fontaine, et un petit ange qu’elle a dans son miroir, disait Lucie à l’enfant en le caressant, car il avait envie de pleurer en voyant s’éloigner sa mère. Mais, à force de câlineries et de gentillesses, elle parvint à apprivoiser le pauvre petit, et revint à la maison fière de son fardeau.