Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/284

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comme ça n’arrivent pas dans notre classe comme dans la vôtre. Mais enfin, puisque c’est un scandale, il faut tâcher d’y porter remède. Nous en reparlerons.

C’était après l’office, le dimanche, que Michel se rendait chez M. Bertin. Aussitôt son arrivée, Lucie passait avec lui dans la salle, une grande pièce moins délabrée que le salon, mais fort peu meublée, ornée principalement, au-dessus d’une console à pieds de cuivre grimaçants, d’une glace à cadre ogival, doré et sculpté, penchée à des ficelles, et qu’embellissaient encore deux plumes de paon disposées en sautoir. Il n’y avait du reste dans la chambre qu’une table à pieds tournés, couverte d’un tapis à franges, quelques chaises de paille et deux vieux fauteuils.

Lucie ôtait le tapis, approchait la table de la fenêtre, et s’asseyait en face de Michel. Puis elle prenait un livre et dictait une page. Après quoi, elle corrigeait, donnait des explications, et terminait presque toujours en disant : — Vous n’avez que tant de fautes ; c’est beaucoup mieux que la dernière fois.

On causait ensuite de botanique et d’agriculture, et l’on commentait ce qu’en avait lu Michel le matin, dans les livres empruntés chez M. Grimaud. Puis on passait à la leçon de géographie et l’on parlait des lointains pays, de leurs productions merveilleuses, de leurs enchantements et de leurs dangers. Parfois s’y ajoutait quelque considération morale sur l’histoire générale des peuples et sur leurs mœurs. Beaucoup d’illusions y prenaient place. Le pays lointain, devenu le pays des rêves, abritait sous ses bosquets d’orangers des pensées d’amour inédites, mais devinées. Cependant, rien de hasardé, rien de furtif dans ces tête-à-tête si intimes. Ni main effleurée, ni pied rencontré. Sérieux tous les deux, ils s’occupaient uniquement d’étude, et n’eussent été leurs joues enflammées, leurs