Le 200e régiment surtout souffrait énormément du climat.
La journée du 2 juin fut marquée par deux incidents. D'abord un soldat fut retrouvé dans la brousse par les gendarmes qui marchaient en arrière de la colonne ; interrogé, il leur dit qu'en dépit de la meilleure volonté, il ne pouvait plus résister aux fatigues, et qu'il était résolu à se suicider. Puis, un caporal nommé Barbey, qui avait disparu depuis quelques jours, fut retrouvé mort, la tête fracassée, son fusil dépourvu de cartouches à côté de lui.
Enfin le général en chef vint nous voir. Son visage exprimait l'énergie et la volonté ; il nous accorda deux quarts de vin qui ne furent jamais distribués.
Le 6 juin, une alerte fut donnée au camp. Il fallut plier précipitamment bagage et partir vers l'Ikopa, où l'ennemi était signalé. Lorsque nous y arrivâmes, les Hovas tirèrent sur nous de l'autre rive. En un clin d'œil, nous étions déployés en tirailleurs, et nous répondions par des feux de salve et des feux individuels. Mais la traversée eût été bien risquée, car le fleuve est large de 400 mètres environ et il est infesté de caïmans. L'artillerie, qui était masquée par la forêt, ouvrit un feu violent. Enfin, dans la soirée, les Hovas se retirèrent, mais assez lentement.
Nous commençâmes alors à traverser l'Ikopa, mais avec des difficultés énormes. Nous fûmes obligés de porter les canons à bras jusqu'à une canonnière ancrée à une centaine de mètres de la rive, qui n'avait pu approcher plus près ; arrivés de l'autre côté, il nous fallut recommencer le même manège. Les mulets qui transportaient les bagages des officiers tombaient à l'eau avec leurs chargements. Il fallait repêcher tout cela et le porter à terre.
Le général en chef, qui se trouvait sur une canonnière, nous encourageait par de bonnes paroles. Avec cela, la nuit tombait subitement et bientôt on n'y vit plus goutte. La plupart des bagages étaient mouillés et jetés