Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/146

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auxquelles j'avais assisté. — Dans toutes les opérations que j'ai suivies, disais-je au capitaine, je n'ai rien vu qui se rapprochât de la réalité, c'est-à-dire du service de guerre en campagne. — Et j'ajoutais que je me défiais énormément des éloges que les officiers étrangers qui assistent aux manœuvres font publiquement sur le compte de nos soldats ; ils ne disent pas toujours leur pensée et je préférerais entendre d'eux une critique qui sonne vrai, que des éloges dictés surtout par la courtoisie.

Dans l'infanterie de marine comme à la Légion, il n'est pas rare de voir des officiers entamer conversation avec certains soldats, dans le but de connaître leurs dispositions d'esprit. Pour les officiers, c'est un enseignement instructif et nécessaire ; quant aux soldats, il est bon aussi qu'ils aient de temps à autre quelque occasion de connaître la pensée de leurs chefs. C'est ainsi, par exemple, qu'au Dahomey, où j'accompagnais le commandant Drude, le même qui plus tard commanda comme général les troupes du Maroc, nous étions assis un jour dans un fossé, attendant le passage d'un détachement. Le commandant, profitant de ces quelques instants de loisir, me parlait, comme c'était son habitude, sur un ton familier. — Moi, disait-il, quand j'étais capitaine, mon plus grand souci était la nourriture de mes hommes ; mon esprit en était tellement occupé que souvent j'en rêvais la nuit ; aussi, dans ma compagnie n'ai-je jamais reçu de réclamations sur la nourriture. — Une autre fois, je fis partie d'une reconnaissance très pénible conduite par un officier que nous aurions suivi jusqu'au bout du monde, le capitaine Lecomte, de l'infanterie de marine. Comme je marchais à côté de lui, nous conversâmes longtemps, parlant principalement des chefs et des soldats. — Voyez-vous, me disait-il, le capitaine, qui marche à la tête de sa compagnie ou en arrière, ouvre souvent les oreilles aux conversations de ses soldats, non pour écouter leurs joyeux propos, mais