Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/179

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de tous. Bien que mortellement blessé, il ne voulait pas quitter le lieu du combat. « Faites-moi un pansement, disait-il au médecin, et laissez-moi reprendre ma place. » Il ne paraissait pas se douter que la mort allait l'emporter aussi vite.

Un homme fut aussi vraiment admirable pendant cette journée du 5, je veux parler du P. Ferrand, missionnaire français en Chine ; pendant son long séjour sur ce territoire, ce prêtre-soldat avait déjà subi plusieurs attaques, non pas des indigènes, car il était le seul Européen que les Chinois respectaient, mais des bandes de voleurs nomades qui, à plusieurs reprises, l'avaient complètement pillé en incendiant sa maison. Ce missionnaire, qui nous rendit d'immenses services comme interprète, se montra héroïque au feu. Pendant toute la durée de l'action, il fut partout, aux endroits les plus exposés. Il allait chercher de l'eau dans les bidons des soldats, sous la mitraille et au risque d'être pris par l'ennemi. Il circulait avec une musette de pansement, soignait les blessés, les encourageait et les entourait de soins paternels. En fait de tonsure, il portait, à la manière des Chinois, une longue tresse de cheveux qui lui tombait jusqu'aux pieds.

L'enterrement de l'adjudant et du soldat se fit en grande pompe. Le capitaine adjudant-major Capdeboscq y prononça un discours touchant jusqu'aux larmes. — Oui, braves Rozier et Pister, vous avez tous deux payé à la France l'impôt le plus généreux, en donnant votre vie pleine de jeunesse et de force pour l'honneur du drapeau et le bien de la civilisation. Vous avez suivi l'exemple de milliers de camarades de l'armée coloniale qui sont morts pour la même cause. Adieu, chers amis, nous nous inclinons devant vos tombes avec un profond respect ; vos noms resteront vivants parmi nous et seront sacrés pour tous. — Ces paroles nous firent sentir une fois de plus qu'à tous ces camarades, les uns morts sur les champs de bataille dans le farouche décor du combat, les autres tués par