Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/182

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d'agitation. Pour ne pas gêner le tir, on nous fit appuyer à droite. Nous arrivâmes jusqu'aux portes de la ville et nous allions tâcher de les enfoncer quand on nous fit faire demi-tour et traverser le fleuve pour couper au plus court. Vers neuf heures du matin, nous traversâmes le champ de bataille du 9 octobre et, à dix heures, nous nous déployâmes en tirailleurs à trois pas d'intervalle, ma compagnie en avant comme toujours ; les autres compagnies s'établirent en échelon à gauche, avec une réserve masquée par un champ de cannes à sucre. L'artillerie se plaça, moitié sur l'aile droite, moitié sur l'aile gauche. Pendant que nous prenions la formation de combat, les réguliers chinois descendaient des hauteurs, se dissimulant dans les tranchées. Ils avaient un grand nombre de drapeaux jaunes ; seul, celui du chef était blanc et rouge. Le P. Ferrand estima leur nombre à sept ou huit mille.

Pendant un quart d'heure, nous nous regardâmes comme chiens et chats, à une distance d'environ 800 mètres, dans la position à genou et sans tirer. Enfin, les premières balles commencèrent à siffler et quelques camarades... saluèrent ; il faut dire que c'étaient des jeunes, venant du Tonkin, qui au début n'étaient pas très rassurés.

Mais bientôt des feux de salve partirent des deux côtés, avec une violence et une intensité que je n'avais encore vues nulle part. Ce tir dura près d'une demi-heure. Après quoi, la réserve vint nous rejoindre, et nous avançâmes avec sa protection, sous une pluie de balles, jusqu'à une distance d'environ 500 mètres. Le capitaine Maitret lança alors sa compagnie, baïonnette au canon, vers les tranchées. Les autres compagnies nous emboîtèrent le pas et, en moins de temps qu'il n'en faut pour le raconter, les tranchées furent enlevées d'assaut, de concert avec nos linh chinois du Tonkin, qui firent preuve de la plus grande bravoure. L'ennemi s'enfuyait de tous côtés, poursuivi par notre fusillade et nos obus.