Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/266

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sur une route impossible : montées abruptes, descentes rapides, sable, rochers, rivières et torrents sans ponts et sans gués, en un mot un vrai musée de difficultés. Le lendemain, le général Bailloud arrivait aux Tombeaux des Empereurs. Il était accompagné du colonel Espinasse, son chef d’état-major, et du lieutenant Porte, son officier d’ordonnance. Le commandant me présenta au général au moment où il descendait de cheval. « Mon général, lui dit-il, permettez-moi de vous présenter le soldat Silbermann qui a fait la campagne du Dahomey sous mes ordres, celle de Madagascar où il vous a connu, et enfin, celle de Quang-Tchéou-Wan. Il a participé à toutes les opérations importantes en Chine et il est le seul soldat de son régiment qui compte quatre années de présence effective en Extrême-Orient, toujours en marche ou en colonne. » Le colonel Espinasse me reconnut. Il était capitaine dans mon bataillon pendant l’expédition de Madagascar, et j’avais eu souvent l’occasion de lui parler. Il me regarda en souriant avec bienveillance ; puis le général m’adressa des compliments, me donna quatre cigares, et, se tournant vers son officier d’ordonnance : « Monsieur Porte, dit-il, donnez un verre de bénédictine à ce gaillard-là ! »

Le 14 avril, nous eûmes enfin la première journée chaude après un hiver très pénible pour tous, surtout pour moi qui n’en avais pas vu depuis dix ans. Je me sentis en veine de lyrisme et je composai une ode qui débutait ainsi :

Gai soleil, l’hiver est défunt !
Sous ta chaude et douce caresse,
Le Céleste Empire est en liesse,
Les fleurs exhalent leur parfum.

Et si partout, ailleurs qu’en Chine,
Notre soldat colonial
Te redoute, Astre tropical,
Ce n’est pas ici qu’il te chine...