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wagon de munitions français de passage à Sang-San-Sien. La consigne était bien donnée ; c'est ainsi que, vers minuit, notre adjudant qui faisait une ronde ayant voulu s'approcher du wagon, fut arrêté par une sentinelle allemande qui ne voulut rien entendre ; il lui fallut recourir au chef de poste allemand pour se faire livrer passage.

Les nouvelles de Pékin nous parvenaient plus souvent qu'aux Tombeaux. Le 19 avril, nous apprîmes qu'un incendie avait éclaté dans le palais du maréchal allemand de Waldersee. Les premiers secours avaient été organisés par les Français sous les ordres du lieutenant-colonel Marchand qui se multiplia en cette circonstance. Nos soldats sauvèrent le maréchal d'une mort certaine en l'enlevant, en chemise, et en le faisant passer par une fenêtre. Il n'en fut pas de même de son chef d'état-major, le général Schwartzhoff qui, déjà hors du palais, y était retourné pour sauver les documents de l'état-major. Le feu lui barra le passage et on le retrouva carbonisé une heure plus tard. Il était le plus jeune général de l'armée allemande. L'incendie fut attribué à des fanatiques chinois. Trois jours après, un capitaine allemand fut tué à Pékin, en plein jour, par un autre fanatique. Le meurtrier fut arrêté et exécuté à l'endroit même du crime.

J'ai remarqué souvent que la population chinoise haïssait bien moins les soldats des autres nations que les Allemands et les Russes qui, partout où ils passaient, saccageaient et pillaient tout. En ce qui concerne les Allemands, le prédécesseur du maréchal de Waldersee avait ordonné à ses troupes de bombarder et de brûler tout sur leur passage, afin de venger, disait-il, la mort du baron de Kettler assassiné à Pékin pendant le siège des légations. Mais depuis l'arrivée du maréchal, ces procédés s'étaient un peu adoucis, sans doute par ordre supérieur. Quant aux Russes, je n'ai jamais compris leur acharnement contre les indigènes.

A Sang-San-Sien, nous vivions en très bonne harmonie