Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/273

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campagne plus d'un Allemand fut tué par des obus et des balles fabriqués dans son propre pays. Le quartier italien n'était pas très étendu, mais se distinguait par une propreté irréprochable.

J'arrivai enfin au quartier français. Je ne fus pas peu surpris d'y voir un boulevard admirablement tracé. Des soldats construisaient un arc de triomphe sur le pont impérial. Ils pavoisaient partout et une multitude de drapeaux tricolores flottaient au vent. Je demandai ce que cela signifiait. On avait l'air de me regarder avec étonnement. —Ah ! tu viens de France ? me dit un soldat en me toisant des pieds à la tête. — — Non, pas précisément. — Alors, tu as fait un petit séjour de quelques mois à l'hôpital ? — Pas davantage. — Comment ! s'écria l'homme, tu ne viens ni de France, ni de l'hôpital, et tu ignores qu'on inaugure demain le boulevard Voyron ! D'où sors-tu donc ? — Mon Dieu, oui ! je l'ignorais. J'ignorais également qu'on avait accordé aux troupes en garnison à Pékin des rations de vin supplémentaires et deux jours de repos à l'occasion des fêtes de l'inauguration. Les camarades que j'avais laissés dans les montagnes l'ignoraient encore plus que moi. Voilà bien les hasards de la guerre ! Pendant que les uns sont sans cesse en marche, livrant des combats, couchant à la belle étoile, mourant presque de faim et souffrant mille misères, les autres, qui font partie du même corps expéditionnaire et obtiennent le bénéfice de la campagne, organisent des fêtes dans la capitale, reçoivent du vin en supplément et s'octroient des journées de repos. Je savais le général Voyron à Pékin ; je cherchai à le rencontrer, car dans mes campagnes antérieures j'avais toujours tenu à voir le général en chef ; cependant, j'en fus pour mes frais, je devais quitter la Chine sans réaliser mon désir.

Je laissai mes camarades à leurs plaisirs, pour prendre le chemin de la mission. J'étais porteur d'une lettre pour Mgr Favier, évêque de Pékin. Je le trouvai