Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/274

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assis dans un large fauteuil en cuir, un gros et long cigare dans la bouche. En me voyant, il se leva, vint vers moi, et me tendant familièrement sa main très blanche, il me dit avec un bon sourire : — Eh bien ! quoi de nouveau, dans l'intérieur ? — Monseigneur, répondis-je, ça va moins bien qu'à Pékin, car je vois qu'ici on prépare des fêtes, tandis que dans l'intérieur on continue à marcher. — Il me versa un verre de vin, m'offrit un cigare, puis se rassit dans son fauteuil pour prendre connaissance du pli. Pendant cette lecture, je le regardais attentivement. A le voir aussi bien rétabli, aussi dispos, je n'en croyais pas mes yeux. Il avait plutôt l'air d'un riche propriétaire que d'un évêque in partibus. Les traces de fatigue avaient disparu de son visage, mais il conservait un air préoccupé. Je vis aussi qu'à son habitude il n'avait pas perdu son temps, car en visitant l'intérieur du quartier de la mission, on n'aurait pu se douter de la misère qui y régnait et des ruines qui y étaient accumulées quelques mois auparavant ; tout était reconstruit, réparé, et même embelli.

La ville de Pékin présentait une animation extraordinaire. A chaque pas, on se heurtait à quelqu'un ou à quelque chose. Des milliers de voitures à deux roues circulaient dans tous les sens. Je remarquai aussi une voiture à quatre roues attelée de quatre chevaux dans laquelle un colonel russe se prélassait en tenue de gala. Trois cosaques accompagnaient ce personnage fort chamarré. Il m'a semblé que cette exhibition détonnait un peu en pleine campagne.

Partout on construisait. Dans le quartier européen, on édifiait des casernes destinées aux troupes qui devaient rester après la signature de la paix. On réparait les églises que les Boxers avaient démolies. Les bâtiments des diverses légations étaient presque entièrement reconstruits. Ce quartier était le plus beau et le plus animé de Pékin. Le sexe féminin, au lieu de nous éviter comme autrefois, accusait des dispositions