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ou moins appris pendant la campagne ; à l'aide de quelques gestes expressifs, on réussissait à se faire comprendre à peu près. Cependant, il arrivait parfois qu'à une demande de tabac on vous répondait en vous passant des allumettes et vice versa.

La ville de Tien-Tsin avait complètement changé d'aspect depuis le mois d'août 1900. Elle n'était alors qu'un tas de décombres, et cependant dix mois plus tard, en juin 1901, toutes les maisons avaient été réparées ou reconstruites. D'immenses bâtiments avaient été élevés, la gare était refaite à neuf, les rues et les boulevards étaient bien entretenus. L'élément civil européen y était plus nombreux qu'à Pékin. Comme dans la capitale, chaque nation s'était réservé un secteur où elle assurait l'ordre et la sécurité. Le plus agréable de beaucoup était celui des Anglais avec ses maisons du dernier style européen, son jardin public et ses allées splendides.

Je visitai le cimetière français où je comptai quatre-vingt-quatorze tombes renfermant les morts du 13 et du 14 juillet. Dans deux de ces sépultures, reposaient vingt-deux et quatorze cadavres qui n'avaient pas été reconnus. Tout d'abord, les corps avaient été enterrés pêle-mêle dans plusieurs endroits ; puis ils avaient été exhumés et transportés dans un cimetière réservé. À cette occasion, notre ministre à Pékin, M. Pichon, à qui son énergie et sa largeur de vues avaient valu le respect et l'admiration de tous, prononça, dans un langage d'un patriotisme élevé, un discours très émouvant, où il laissa percer avec juste raison le regret de voir certaines puissances prêtes à abandonner, pour cause de rivalités byzantines, l'œuvre humanitaire entreprise en Chine.

Sur les places de Tien-Tsin on voyait des tas de sel qui représentaient la part de prise de nos troupes après l'enlèvement de la ville. Il y en avait près d'un millier, hauts comme des maisons à deux étages. Un jour, je rencontrai le capitaine faisant fonctions de